lundi 15 septembre 2008

Le principe du parti unique

Pour lancer ce blog sur Wikipédia, je commence par une réflexion politique sur le projet. Comme toutes les communautés, le projet encyclopédique bien connu est doté d’une hiérarchie qui régule son fonctionnement.

Cette hiérarchie est a priori contraire à l’utopie fondamentale du projet qui veut que l’anonymat soit gage d’égalité. Pour autant, comme le communisme, si un tel projet ne veut pas tourner au chaos de l’anarchie, il faut bien des gens ayant un peu plus de pouvoirs que les autres. Le pouvoir, ce n’est pas seulement la capacité de faire, mais aussi celle de choisir ce que l’on fait. C’est le fondement de la séparation entre exécutif et législatif.

Alors que Wikipédia se prétend autre qu’une démocratie, et que certaines versions du projet luttent activement contre les votes, le projet francophone vote à tout va : même la qualité d’un article est déterminé par des votes de personnes n’ayant aucune connaissance des sujets traités, voir ne lisant même pas les articles. Le pouvoir est aussi déterminé par le vote.

Une des caractéristiques fondamentales de ces votes est le consensus, pensé de sorte qu’aucun ne puisse acquérir une fonction hiérarchique sans que l’essentiel de la communauté ne l’approuve. On appelle cela le plébiscite.

Quand lorsque chaque vote est indépendant et suit les mêmes règles, on peut s’attendre à ce que tous les élus soient identiques, car à mêmes raisons mêmes effets. Comme un consommateur rachète chaque semaine le même paquet de céréales, les wikipédiens élisent presque toujours les mêmes administrateurs et arbitres (il ne s’agit pas nécessairement des mêmes personnes au sens stricte). N’importe quel analyste politique vous dirait que c’est logique.

On ne peut s’étonner dès lors que le pouvoir sur Wikipédia soit aux mains de la masse des contributeurs. La conséquence normale est une inertie des idées, de ce que les wikipédiens appellent communément le « consensus » et que les gens au pouvoir doivent protéger. Protéger le consensus n’a aucun sens, par essence rien de consensuel ne peut le rester tout en étant attaqué. Il n’y a que sur Wikipédia que les gens peuvent discuter des pages et des pages et même se battre pour savoir si quelque chose est consensuel ou non. Chose absurde car de facto la dispute est preuve du non consensus.

Ce que cache Wikipédia derrière le concept de consensus, c’est l’orthodoxie de la pensée (populaire), le plébiscite de la qualité et de la bonne volonté. La rigidité du consensus est garante de la paix sociale sur Wikipédia tandis que la flexibilité des règles et de leur interprétation permet l’adaptabilité des défenses aux attaques portées contre le consensus.

Voilà le problème, il y est facile de trouver des choses très problématiques qui ne feront pas consensus et de semeront la discorde. Même parmi les administrateurs. Il est notable que dans ce cas, la réaction de l’autorité est de considérer que d’exposer au grand jour les sujets de discorde, c’est violer le consensus. Le consensus consiste à oublier ce qui n’est pas consensuel ou de voter à la majorité absolue, ce qui cause perte de temps, discorde et incertitude.

D’où la solution utilitariste de couper tout ce qui dépasse et risque de susciter débat, car il y en a déjà trop. Tous sont d'accord sur ce dernier point. Et comme le critère premier de l’accession au pouvoir est de n’avoir pas participé à des discussion dans lesquelles on se met des gens à dos, l’autorité est tout naturellement portée à agir en ce sens. Et ce d’autant plus qu’une large partie de la bureaucratie en place n’écrivant pas ou presque pas d’articles n’est pas vraiment intéressée par les débats houleux.

Mais le bon sens vaut mieux que tant d’explications. Qu’attendre d’un système où l’autorité est confiée virtuellement à vie lors de votes de plébiscite à des personnes aux profils semblables ? Toute marginalité devient hérésie. Mêmes causes, mêmes effets que dans la vie réelle.